Parfois j’ai du mal à savoir quand une sculpture est terminée. J’ai envie d’ajouter « une petite touche, encore », ici et là.
Pour faire durer le moment de rencontre.
Il faut comprendre, avec elle je me suis sentie habitée, pendant plusieurs semaines. Alors le départ va laisser un vide.
Un grand vide.
Je sais qu’il va falloir, encore, aller me perdre dans le rien… Ça fait partie du processus, disent le sage et le spécialiste.
Mais ça m’angoisse.
— Inquiète-toi pas, dit ma voisine, ça te passera !
Oui, je sais bien que ces moments de dérive déboucheront sur quelque chose. Enfin, j’ai envie de le croire, parce que c’est ce qui s’est toujours passé… mais là-bas, y’a pas d’espace, y’a pas de temps.
Alors t’es sûr de rien.
Et si t’es pas sûr de rien, c’est que tu n’y es pas encore et qu’il va falloir y aller.
C’est le jeu, et c’est ça qui est difficile : te laisser glisser dans le néant. Parce que c’est terrifiant de savoir que tu ne sauras rien.
Et tant que tu résistes à y aller, ça t’angoisse. Et ça dure.
Alors il faut faire le pas. Aller me sentir désintégrée. Morcelée. Inexistante.
Tout le temps, j’ai peur de terminer ma sculpture. Je préfère rater la patine et la recommencer. Pour être avec elle.
Elle n’a pas besoin de moi, non. C’est moi qui ait besoin d’elle.
Il faut faire le pas. La laisser partir.
Un ultime geste d’amour pour toi. Au revoir petite sculpture, bonne route.
Et merci.