Pour passer au four, une pièce en argile ne doit pas être trop épaisse. C’est pourquoi les sculptures, à partir d’une certaine taille, doivent obligatoirement être creuses, et leur épaisseur aussi régulière que possible.
Il existe différentes techniques pour obtenir une sculpture creuse. Dans celle que j’utilise, je ne creuse la pièce qu’une fois la mise en forme terminée. C’est une manière de travailler qui me permet de me sentir très libre durant le processus de création.
C’est seulement une fois la mise en forme terminée que commence la phase technique qui consiste à découper la sculpture pour la creuser.
Les bonnes conditions pour creuser
Avant de commencer à l’évider, la sculpture doit être :
- totalement mise en forme, c’est à dire qu’il ne reste que des finitions à faire ;
- au stade de séchage dit “consistance cuir”.
Consistance cuir
C’est le stade pas sec… mais pas mouillé non plus. Entre les deux, quoi 🙂 !
Quand elle est à consistance cuir, la terre se tient très bien tout en ayant une surface d’une tendreté comparable au cuir.
Si on appuie la pulpe du doigt dessus, cela ne la déforme pas. En revanche, si on passe l’ongle ou un outil, alors ça fait une trace.
Quand la surface est à ce stade de durcissement, c’est le moment idéal pour creuser et pour ensuite faire les finitions.
C’est pourquoi on s’appliquera à maintenir le taux d’humidité de la sculpture en la mettant sous plastique pendant les pauses, et en l’humidifiant avec des linges humides s’il fait chaud pour qu’elle ne sèche pas trop pendant qu’on la travaillera.
Un outillage adapté
Le fil à couper le beurre
Bien connu des potiers, un fil ou un câble d’inox très fin enroulé à deux petits rondins de bois aux extrémités. Indispensable pour découper la sculpture.
Les mirettes
Outils très classiques également, en prévoir de différentes tailles et formes, adaptées bien sûr à la taille de vos sculptures.
Notons qu’il existe des mirettes avec un fil rond, et d’autres avec une partie coupante plate et aiguisée. Je vous recommande le second type.
Un ébauchoir
Utile pour marquer le positionnement puis pour guillocher les surfaces avant de reconstituer la sculpture.
Il en existe une multitude de tailles, choisir celle qui correspond à la taille de votre sculpture, généralement un format correspondant à un petit couteau d’office convient très bien.
Un couteau, une fourchette
Qui vous seront utiles pour homogénéiser puis tartiner la barbotine au moment de recoller les morceaux.
Sur l’image il s’agit d’un couteau de sculpteur, mais un simple couteau de cuisine fait très bien l’affaire.
Du temps, de l'espace et du soin
Cette phase d’élaboration d’une sculpture demande de la concentration et de la précision : vous allez découper votre œuvre en morceaux, tout de même !
L’opération, surtout si votre pièce est grande et biscornue, vous demandera du temps et un minimum d’espace pour entreposer les morceaux. Alors mettez toutes les chances de votre côté 😉 avec une organisation adéquate.
Elle vous demandera également beaucoup de soin, d’une part pour découper aux bons endroits (là il faut réfléchir un peu avant de découper, mais rassurez-vous je vous donne des clés un peu plus loin), d’autre part pour creuser les différentes parties sans les déformer.
Plans de découpe
On en veut un minimum, et que la sculpture retrouve ses formes après reconstitution. Il importe de choisir judicieusement ces plans.
Je vous montre sur un exemple : voici une sculpture, terminée aux finitions de surface près, globalement à consistance cuir.
Principes de base d'une bonne découpe
- autant que faire se peut et surtout pour les parties lourdes, les plans de découpe sont horizontaux ;
- ils sont perpendiculaires aux plus grandes dimensions des parties ;
- Chaque partie pourra être confortablement creusée, c’est à dire qu’on peut atteindre l’intérieur avec la mirette et réaliser une épaisseur à peu près constante.
Choix incorrect de plans de découpe
Pour comprendre l’importance des deux premiers points, imaginez que je découpe la sculpture selon ces surfaces :
Dans ce choix de découpe,
- les coupes sont parallèles aux plus grandes dimensions des parties ;
- la plus importante des découpes, faisant intervenir la partie la plus massive de la sculpture, est verticale.
Ce choix provoquerait les difficultés suivantes :
- résistance de la pièce à la découpe : plus la surface est grande, plus il est difficile de découper (donc on risque plus de faire des bêtises) ;
- déformation des parties séparées : une longue partie plate, comme serait le dos découpé, par exemple, aurait tendance à se déformer ;
- au moment du recollage, la gravité ne contribuerait pas à faire adhérer les pièces. Elle aurait plutôt tendance à provoquer des décalages, notamment pour le buste.
- les parties du buste seraient trop grosses, donc difficiles à manipuler ;
- le socle, qui est une sorte de dôme, est relativement fin. Il se déformerait lui aussi, sans compter que puisqu’il est fin, il n’a pas besoin d’être creusé… donc autant ne pas le découper !
Je ne détaille pas pour les bras coupés dans la longueur, les problèmes seraient du même ordre… on oublie.
Mise en pièces (!) de la sculpture
Le défi est de ne pas déformer les surfaces de notre sculpture en coupant, et aussi de ne pas faire tomber la partie qu’on découpe ;). Je sais de quoi je parle, j’ai fait tomber un bras de cette sculpture en la découpant !
Par ailleurs, il faut se préparer à pouvoir reconstituer la sculpture en mettant les parties exactement dans la même position qu’avant de séparer les parties… vous me suivez ?
Découper proprement et sans accident
Ceci est un coude, et je vais le découper selon le plan que dessine le fil.
Ici, la difficulté est que le bras est en porte-à-faux, et bien que j’aie confectionné un étai pour le maintenir, je dois être prudente pour ne pas provoquer de casse ou de déformation au niveau de l’épaule.
Donc, je compense les efforts de coupe avec ma main gauche qui maintient le bras et aussi le coude qui va se détacher.
Remarquez que je tire le fil dans le plan de la découpe que je veux faire : c’est lui qui dessine le plan, et si je tirais vers moi, tout partirait de travers.
Par ailleurs, durant la découpe, ma main gauche qui tient l’autre extrémité du fil, reste fixe. Seule la main droite bouge. Vous pouvez regarder sur la vidéo (à 12 min 11) pour mieux comprendre ce geste.
C’est très important de garder une des deux mains fixes, c’est là le secret pour réussir les découpes.
Marquer la position des parties
Faites deux repères, en deux endroits suffisamment éloignés de la coupure.
Sur l’image, on voit un premier repère (il y a deux traits, mais c’est un seul repère !) .
J’en ferai un second de l’autre côté du poignet.
Ces deux repères sont importants, car s’il n’y en avait qu’un seul, le positionnement pourrait ne pas être précis . Cette précaution vaut particulièrement pour les pièces de forme plus ou moins cylindriques.
Faites des marques bien visibles, assez longues et suffisamment profondes. Elles doivent survivre à la manipulation de la pièce quand vous la creuserez. Si elles sont trop superficielles, elles s’effaceront.
Creuser le puzzle 3D
Utilisez les mirettes de la bonne taille et forme pour atteindre toutes les zones qui doivent être creusées.
Il importe de réaliser une épaisseur à peu près constante, et tous les trous doivent déboucher. C’est à dire qu’au remontage de la sculpture, l’intérieur devra être une grande cavité qui communique de partout.
Sur cette image, on voit que je fais communiquer la cavité que j’ai creusée du côté de la cuisse, et celle que j’ai creusée du côté du pied.
Ici, on voit que l’épaisseur est à peu près constante. Elle est d’environ 1,5 à 2 cm. Quand la sculpture est assez grosse, comme c’est le cas ici, il ne faut pas faire trop fin. Le poids de la pièce doit pouvoir être soutenu par les parois.
On observe aussi que le trou débouche dans le socle. C’est ma manière de faire déboucher le trou à l’extérieur.
Recomposer la sculpture
Le recollage des parties peut se faire au fur et à mesure. Il n’est pas indispensable d’avoir tout creusé pour commencer à recoller les bouts.
Souvent, je compose avec les stades de séchage en creusant et remontant ce qui est déjà suffisamment dur, pendant qu’une partie encore trop fraîche continue de durcir dans son coin. On s’adapte 😉 !
Pour le remontage, on se retrouve dans l’article suivant, avec la vidéo idoine.
Merci d’avoir suivi cet article 🙂 !