Dans l’article précédent ‘découper et creuser une sculpture‘, nous avons déjà évidé une bonne partie de notre œuvre. Pour en terminer avec cette opération et recomposer notre sculpture, nous allons développer les points suivants :
- la mousse à trou
- surfaces de découpe spéciales
- préparation de la barbotine
- recomposition et recollage
- structure de maintien pour une partie en porte-à-faux
Vous trouverez ci-dessous la vidéo de démonstration, puis le texte qui n’est pas la retranscription de la vidéo mais un article qui se veut complémentaire avec elle.
La mousse à trou
Dans la vidéo, on voit que j’utilise un morceau de mousse d’une forme particulière. C’est une petite astuce toute simple… et qui me rend bien des services.
Je l’utilise chaque fois que j’ai besoin de travailler des petites pièces, qu’elles soient sèches ou encore à la consistance du cuir.
La mousse, vous l’aurez compris, permet de poser la pièce sans qu’elle se casse ou ne prenne de marques. Le trou au milieu la rend encore plus pratique.
La pièce fraîchement découpée peut se déformer facilement, et elle est trop grosse pour que je puisse aisément le maintenir dans une main le temps de la creuser de l’autre main.
En entrant le cou de la pièce dans le trou de la mousse, je pourrai creuser par en dessous sans avoir à maintenir la pièce.
Je serai donc à l’aise pour apporter tout le temps et le soin que je souhaite à ma sculpture.
Découpes spéciales
J’ai beaucoup parlé de “plans de découpe” dans l’article précédent. Il serait plus juste de les appeler surfaces de coupe, tellement il arrive que la surface en question ne soit pas plane…
Parfois ce sont même des surfaces à plusieurs plans que j’utilise, pour rendre accessibles en une seule découpe plus de zones à creuser.
Sur une grande surface
La sculpture que j’utilise pour réaliser ces articles est très massive dans sa partie basse. Par exemple, les fesses font une trentaine de cm de large.
La surface de découpe étant donc relativement grande, il importera particulièrement de la faire horizontale. Mais cela ne nous empêche pas de ‘couder’ la surface pour rendre accessible l’intérieur des jambes.
Toujours dans l’idée de réduire le nombre de découpes, voici le choix que j’ai fait.
Cette découpe est du côté gauche perpendiculaire à la surface des fesses, et du côté droit, perpendiculaire à la surface des cuisses. Par ailleurs, elle est à “dominante horizontale”, si bien que la plus grande partie de la surface bénéficiera du poids de la sculpture pour bien adhérer lors du recollage.
Elle répond donc bien aux principes d’une bonne découpe.
L’intérêt de ce choix est que je vais pouvoir atteindre de nombreuses zones :
- les cuisses, jusqu’aux genoux et il restera à découper une partie des pieds pour faire le joint ;
- les fesses, jusqu’à percer dans le socle ;
- la partie du buste que j’ai enlevée pourra être entièrement évidée.
Les petites surfaces
Remarquons que pour les petites parties découpées, comme c’est le cas ici pour le pied, le travail du poids de la pièce sera négligeable devant l’adhérence que procurera le cordon de barbotine.
Avoir des surfaces horizontales n’est donc pas important pour les petites surfaces de découpe.
Cette découpe à deux plans permet de faire le joint du tunnel dans le genou, d’atteindre le talon puis, sur la partie ôtée, le tibia et l’avant du pied.
Sur la jambe gauche de la sculpture, je n’ai pas découpé de la même manière… et à l’heure où j’écris cet article, je ne me souviens pas ce qui m’a motivée à procéder différemment 😀 !
Cela montre en tout cas que les deux solutions sont possibles.
Sur cette image, on voit que l’heure du remontage des morceaux est arrivée. La surface de collage du pied droit est déjà enduite de barbotine pour procéder au collage.
Recoller la sculpture
Nous avons mis toutes les chances de notre côté pour que la sculpture puisse retrouver son physique de rêve, sans cicatrices et sans fragilités, en la creusant au bon moment (texture cuir) et en prenant soin de ne pas altérer les surfaces de contact entre les pièces.
Rainurer les surfaces de contact
Utilisez un ébauchoir en bois pour rainurer les surfaces à encoller. Les rayures doivent être suffisamment larges et profondes pour permettre une bonne pénétration de la barbotine.
Une fois hachurées les surfaces des deux pièces à assembler, on passe au tartinage.
La barbotine idéale
Sa consistance devra permettre une adhérence et une réparation parfaites des soudures.
Vous savez ce qu’est la barbotine, oui ? C’est un mélange de terre et d’eau, plus ou moins liquide selon l’usage qu’on en fait.
Notre barbotine à nous devra être bien crémeuse, surtout pas liquide.
Il faut en prévoir aussi suffisamment pour enduire très généreusement toutes les surfaces à encoller.
Préparer la barbotine
Utilisez par exemple les copeaux que vous avez créés en creusant. Les petits morceaux de terre vont rapidement se mélanger à l’eau pour former la boue dont on a besoin.
Touillez, écrasez avec une fourchette pour fabriquer un mélange bien homogène.
De manière générale, j’ai toujours un récipient avec de la barbotine, ça sert très souvent, y compris lors de la phase de mise en forme de la sculpture. De plus, la barbotine se fait toute seule si on laisse tremper assez longtemps des morceaux de terre.
Tartinez
Oui, et je le répète, soyez généreux.
Pour tartiner la barbotine, j’utilise ici un couteau de sculpteur, mais un couteau de cuisine ou une fourchette conviennent aussi.
Lors du tartinage, les rainures doivent être remplies et il doit y avoir de la boue en excès. Cette barbotine en “trop” ressortira quand on assemblera les deux morceaux.
Il importe de garder à l’esprit qu’on souhaite ne pas enfermer de bulles d’air dans notre joint.
Bien sûr, de toutes petites bulles seront probablement créées, ce n’est pas une science exacte… mais on s’applique pour en créer le moins possible.
Assemblage des pièces
Si vous avez suivi l’article précédent, vous avez fabriqué des marques pour repositionner précisément les deux pièces à assembler, et vous avez pris soin de ne pas déformer les surfaces de collage lorsque vous les avez creusées.
Poser et faire correspondre les marques
Les deux surfaces ayant été tartinées, assemblez les pièces sans appuyer, en prenant soin de faire correspondre les marques.
Vérifiez bien que tout est en place.
Souder
Pour faire prendre le joint, il faut appuyer sur la soudure… mais pas n’importe comment 🙂 !
Commencez par appuyer globalement en faisant jouer une partie sur l’autre pour stabiliser la soudure. Attention à ne pas trop appuyer, sentez la limite à partir de laquelle les pièces pourraient se déformer.
Veillez aussi à ce que les repères soient en correspondance à l’issue de cette opération.
Puis travaillez la soudure sur toute sa longueur.
Appuyez fermement sur la surface extérieure de la sculpture pour chasser l’excès de barbotine. En même temps, vérifiez la continuité de la forme de part et d’autre du cordon.
L'importance d'un beau boudin continu
Le boudin de barbotine qui ressort nous garantit que les deux surfaces sont bien en contact, que la soudure sera solide, sans bulles d’air, et invisible après les finitions.
Travaillez bien votre soudure, et contrôlez
- qu’il n’y a pas de manque de matière ;
- que les deux surfaces sont bien partout en contact ;
- qu’il n’y a pas de décalage entre les pièces qui créerait une discontinuité sur la surface de la sculpture.
Les pièces en porte-à-faux
Il est parfois impossible d’utiliser le poids propre d’une pièce pour favoriser l’adhérence d’une soudure. Il arrive même que le poids de ladite pièce joue contre la soudure, comme c’est le cas pour les pièces en porte-à-faux.
Nous devons donc ménager des structures de maintien externes à la sculpture, le temps que ça se consolide.
Ici, mon petit maillet a la bonne longueur, alors je l’utilise, mais n’importe quel morceau de bois convient. Veillez toutefois à ce qu’il soit propre…
Mise en place d'un étai
Pour maintenir l’étai en place, j’utilise de la terre assez molle.
- je noie le pied du maillet pour que la base ne puisse pas déraper ;
- j’arrange un soutien sur la cuisse pour qu’il se maintienne verticalement.
Pour soutenir le bras, je fabrique une pièce qui viendra épouser ses formes.
Avant de souder les pièces, j’ai bien vérifié qu’elles tombent en face avec l’étai pour soutien, et j’ai ajouté une boule de terre pour souder provisoirement la main sur l’œil.
Ces boules de terre relativement molle se détacheront facilement de la sculpture qui elle, est à consistance cuir.
Je ne retirerai ces supports qu’à la fin de mes finitions.
Pour l’heure et en l’état de la sculpture, entièrement reconstituée, il est urgent de ne plus y toucher.
La terre travaille toute seule
Laisser reposer la sculpture
Avec le temps, l’humidité va s’équilibrer entre la masse de la sculpture et les cordons de soudure, et comme ces derniers sont faits de la même matière que la sculpture, une fois le séchage homogène, la matière pourra redevenir continue.
Les soudures pourront donc totalement disparaître, et la sculpture sera aussi solide que si elle n’avait pas été découpée.
Emballer
Utilisez un sac poubelle (par exemple) pour oublier votre sculpture, idéalement, pendant plusieurs jours.
Le sac doit être bien fermé, surveillez fréquemment la texture de la terre, qu’elle ne sèche pas trop : la consistance du cuir doit être préservée pour la suite.
Finitions
Cette dernière phase mérite son article rien que pour elle, alors on s’y retrouve pour terminer notre sculpture ;).
À très vite !